Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/246

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» Je vous envoie un projet de liste pour les officiers de la chambre qui doivent accompagner le roi. Il me parait qu’il a résolu de n’y pas mener M. le Dauphin. Je vous donnerai de plus grands éclaircissements quand tout sera décidé. L’essentiel était le départ du roi et les grâces que je vous annonce. Que je serais heureuse s’il en résultait autant de bien que j’en désire ! etc., etc.[1].

» LA DUCHESSE DE CHÂTEAUROUX. »

Comment ne pas admirer cette constance à faire réussir un projet où l’intérêt personnel de madame de Châteauroux était immolé à celui de la France et du roi ? Car ce départ pour l’armée allait la séparer de lui et la livrer à de cruelles inquiétudes. Mais un de ces sentiments dont les esprits raisonnables se moquent l’avertissait en vain que la gloire de celui qu’elle aimait lui coûterait à elle le bonheur et la vie. Ses sacrifices réels, les présages funestes, les terreurs fondées tout disparaissait, à l’idée de Louis XV triomphant et traversant Paris aux acclamations du peuple.

Cette femme, si préoccupée de la gloire du pays et du roi, ne l’était pas moins du soin d’encourager les arts ; loin de partager le préjugé si bien établi alors, que les gens de lettres ne pouvaient être ni hommes d’État ni bons diplomates, elle fut la première à proposer au roi d’employer M. de Voltaire dans une négociation importante auprès de Frédéric II. C’est elle qui répondit, lorsqu’on demanda devant le roi, à Choisy, qui ferait l’éloge du cardinal de Fleury :

« Ce sera Voltaire. »

Mais le clergé académique ayant représenté qu’il serait inconvenant de faire succéder l’auteur de tant d’impiétés rimées à un prince de l’Eglise, le roi fut contraint de céder ; et, toute partialité philosophique à part, on est forcé d’avouer que l’éloge du cardinal de Fleury ne convenait ni au caractère ni à l’esprit de l’auteur de la Pucelle[2].

  1. Lettres autographes.
  2. « On imagina, dit Voltaire dans son commentaire historique, d’envoyer secrètement M. de Voltaire chez ce monarque (Frédéric II) pour sonder ses intentions, pour voir s’il ne serait pas d’humeur à prévenir les orages qui devaient tomber tôt ou tard de Vienne sur lui, après avoir tombé sur nous, et s’il ne