Ce fut Boyer, le précepteur du Dauphin, l’ancien évoque de Mirepoix, qui intrigua le plus contre le choix de M. de Voltaire. On sait s’il en conserva rancune.
Avant de partir pour l’armée, le roi voulut faire ses adieux au château de Choisy, a ce séjour qu’un si doux souvenir lui rendait encore plus agréable. Il y ménageait une surprise à madame de Châteauroux. Il savait par M. de Meuse que, malgré toutes les raisons que madame de Châteauroux avait de préférer ce château royal à tous les autres, l’idée d’habiter l’appartement arrangé par madame de Mailly, et de s’asseoir sur les mêmes meubles de ces salons dont madame de Vintimille avait fait les honneurs, altérait beau-
voudrait pas nous prêter cent mille hommes dans l’occasion pour
mieux assurer la Silésie. Cette idée était tombée dans la tête de
M. de Richelieu et de madame de Châteauroux. Le roi l’adopta,
et M. Amelot, ministre des affaires étrangères, fut chargé de presser
le départ de M. de Voltaire, et des détails de sa correspondance.
Il fallait un prétexte, on prit celui de cette querelle avec
l’ancien évèque de Mirepoix. Le roi approuva cet expédient ; M. de
Voltaire écrivit au roi de Prusse qu’il ne pouvait plus tenir aux
persécutions de ce théatin, et qu’il allait se réfugier auprès d’un
roi philosophe, loin des tracasseries d’un bigot.
» Comme ce prélat signait toujours, l’anc. évêq. de Mirepoix, en
abrégé, et que son écriture était assez incorrecte, on lisait l’âne,
évêque de Mirepoix, au lieu de l’ancien. Ce fut un sujet de plaisanterie,
et jamais négociation ne fut plus gaie.
» Le roi de Prusse, qui n’y allait point de main morte quand il
fallait frapper sur les moines et sur les prélats de cour, répondit
avec un déluge de railleries sur l’âne de Mirepoix, et pressa M. de
Voltaire de venir.
» M. de Voltaire eut grand soin de faire lire ses lettres et les
réponses ; l’évêque en fut informé, il alla se plaindre à Louis XV
de ce que M. de Voltaire, disait-il, le faisait passer pour un sot
dans les cours étrangères. Le roi lui répondit que c’était une
chose dont on était convenu, et qu’il ne fallait pas qu’il y prît
garde.
» Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’il fallut mettre madame
Du Châtelet de la confidence ; elle ne voulut point, à quelque
prix que ce fût, que M. de Voltaire la quittât pour le roi de Prusse ;
elle ne trouvait rien de si lâche et de si abominable dans le monde
que de se séparer d’une femme pour aller chercher un monarque.
Elle aurait fait un vacarme horrible. On convint, pour l’apaiser,
qu’elle entrerait dans le mystère, et que les lettres passeraient par
ses mains. »