Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/25

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cette image que je fuis, que je veux haïr, et qui nie poursuit sans cesse, on devine l’effroi qu’elle me cause, l’empire qu’elle exerce sur moi. Mais si je ne puis rien sur ma pensée : si l’exemple le plus effrayant, la succession la pins honteuse n’étouffent pas le sentiment dont je rougis et que je ne veux pas m’avouer, au moins puis-je faire vœu de n’y jamais céder. Alors, cherchant avec sincérité tout ce qui pouvait élever un obstacle insurmontable a sa faiblesse, elle se promit de flatter l’amour de M. d’Agenois et de se consacrera lui tout entière, espérant parvenir à l’aimer au moins comme son sauveur.

M. de Richelieu s’aperçut, à la joie de son neveu, de la résolution héroïque de madame de la Tournelle ; il s’en inquiéta sérieusement ; jamais vertu de femme n’avait plus contrarié ses projets. Ne sachant que tenter pour empêcher cette union contre laquelle il n’y avait [tas une bonne raison à donner, il imagina d’en parler au roi comme d’une chose qui déplaisait à la famille de Richelieu, non pas sous le rapport de la naissance, car la maison de Nesle était une des plus illustres de France ; mais le peu de fortune de madame de la Tournelle et son désir de vivre éloignée de la cour devaient nécessairement nuire à la carrière du duc d’Agenois, et le duc de Richelieu supplia Sa Majesté d’employer son autorité pour détourner M. d’Agenois de ce qu’il appelait une folie.

— Mon autorité ! répéta le roi avec tristesse, puis-je jamais l’employer contre les intérêts de la famille de Nesle ? D’ailleurs, que feraient toutes les puissances de la terre contre la volonté de M. d’Agenois s’il est aimé ?…

— S’il était aimé, sire ? Je sais trop coque c’est qu’un amour partagé par une femme adorable pour tenter d’en obtenir le sacrifice ; mais j’ai le secret du cœur de madame de la Tournelle : elle donnerait sa vie pour aimer d’Agenois un instant, mais elle ne l’aime pas.

— Et pourquoi cela ? reprit vivement le roi ; il est beau, brave, amoureux, il doit lui plaire.

— Et sans doute il lui plairait, si nu cœur préoccupé voyait autre chose que ce qui le domine ; mais j’ai une expérience qui ne peut me tromper, sire, et lorsque je les vois tous deux ensemble, je remarque que l’un parle et que l’autre n’écoute pas ; qu’elle répond par un regard distrait à