Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/253

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— Non, vrai, ce n’est point une phrase, un lieu commun d’amour que je veux vous dire, c’est un sentiment intime, une révélation qui me donne l’assurance de ne pas survivre à votre attachement pour moi, c’est la consolation d’un présage funeste.

— Eh bien, il y a tout à gagner à changer ces présages contre de plus heureux, cela me décide. À ce soir, la sorcière ; gare à elle si elle ne devine pas que vous êtes adorée.



XLIX

LA SORCIÈRE


Les duchesses de Lauraguais et de Brancas, la marquise de Mirepoix avec la plupart de ceux qui devaient accompagner le roi à l’armée, étaient seuls de ce voyage de Choisy, consacré à de tendres adieux. Apres le dîner, qui avait lieu dans ce temps à deux heures, chacun jouissait de sa liberté jusqu’au moment où commençait la soirée. C’est pendant cet intervalle que le roi vint prendre madame de Châteauroux et sa sœur pour les conduire par un escalier dérobé chez Lebel ; là s’entama une espèce de proverbe. La crainte d’une indiscrétion de la part de madame de Lauraguais, qui venait de surprendre sa sœur ajustant sur sa tête le capuchon de mademoiselle Hébert, avait obligé madame de Châteauroux à la mettre dans la confidence ; le roi pensa que le plus sûr moyen de lui faire garder le secret de cette partie mystérieuse était de l’y associer, et il fut décidé qu’elle passerait pour une cousine de Lebel. Son goût pour l’extraordinaire, sa gaieté, s’arrangeraient fort bien de ce rôle : elle y fut très-amusante. Et la gaieté naturelle d’un tiers est d’un si grand secours dans les chagrins dont on ne veut pas paraître triste !

— Allons, dépêchez-vous, ma bonne femme, dit Lebel, car, si le roi sonne, il faudrait laisser là ces demoiselles ; je vous en avertis.

— Ne faudrait-il pas mieux, dit la vieille aux yeux de