Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/268

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à ce qu’on alarmât le malade en effrayant sa conscience ; il poussa le courage jusqu’à résister longtemps au duc de Chartres, qui, le traitant avec toute la hauteur de son rang, finit par lui dire :

— Eh quoi ! un valet tel que toi refusera la porte au plus proche parent de son maître !

Et la porte s’ouvrit avec fracas ; le bruit de cette scène avait fait tomber le malade en défaillance ; sa pâleur, son insensibilité alarmèrent les assistants ; madame de Châteauroux, sans prendre garde à eux, cherchait à ranimer le mourant en lui faisant respirer des sels, en baignant ses tempes de vinaigre : enfin, il rouvrit les yeux, et dit d’une voix éteinte :

— Adieu… je me meurs… je ne vous… reverrai plus[1].

Puis il demanda le père Perusseau.

Alors l’évêque de Soissons, s’approchant de madame de Châteauroux, lui dit avec autant de dureté que d’insolence :

— Le roi va se confesser madame, n’empêchez pas, par votre présence, les bénédictions du ciel de tomber sur lui.

À ces mots, la dignité l’emportant sur le désespoir, la duchesse, plus pâle que le mourant, se leva et porta sur le roi un dernier regard qui semblait dire :

— Meurs tranquille, car ta mort ne nous séparera point.

Puis elle se retira dans un cabinet voisin de la chambre du roi, où madame de Lauraguais se trouvait, ainsi que le duc de Richelieu. Là, en proie à toutes les tortures d’une anxiété déchirante, elle attendit l’événement qui devait décider de son sort.

Enfin les deux battants de la porte s’ouvrirent, l’évêque de Soissons parut, les yeux étincelants la figure animée ; il dit d’une voix menaçante :

— Le roi vous ordonne, mesdames, de vous retirer sur-le-champ de chez lui[2].

Madame de Châteauroux l’écoute immobile, et garde le silence. Dès que l’évêque est rentré dans la chambre du

  1. Mémoires de Richelieu.
  2. Histoire de France. — Vie privée de Louis XV.