Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/274

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je me trompe fort, ou le roi reprendra ses anciens sentiments avec ses esprits et ses forces ; la crainte d’irriter le peuple, de perdre quelque chose de l’enthousiasme qu’il montre aujourd’hui pour son roi, contiendra, pendant quelque mois, la passion de son âme, mais nous la verrons triompher encore, il vous rappelera, soyez-en sûre, chère nièce ; justice sera rendue à votre noble caractère, à votre glorieuse influence sur lui ; vivez donc pour attendre ce jour, il est marqué dans le ciel, il est dû à vos malheurs, à mon dévouement pour vous, il sera notre récompense.

« LE DUC DE RICHLIEU. »

Il est sauvé, repétait madame de Châteauroux ; et cette pensée calma longtemps toutes ses peines. Mais lorsque, exempte d’inquiétude, il lui fallut se résigner à vivre loin de celui qu’elle adorait, lorsqu’elle vit s’établir cette habitude d’absence, cette cessation complète de toute correspondance entre elle et le roi, qui lui écrivait dix billets par jour, lors même qu’il la voyait chaque soir, elle sentit qu’un désespoir profond s’emparait de son âme. Ne plus régner, c’était pour elle le repos ; mais ne plus être aimée, c’était la mort.



LIII

LA RENCONTRE


Au milieu de tant de chagrins, la duchesse de Châteauroux avait senti battre son cœur au récit de l’accueil fait, le 19 août, au premier courrier qui apporta la nouvelle que le roi était hors de danger ; elle se faisait répéter comment, dans sa joie, le peuple avait entouré et presque étouffé de caresses le courrier, que l’on avait baisé son cheval, ses bottes, qu’on l’avait porté en triomphe, en criant le roi est guéri ! et que Louis XV, en entendant raconter ces transports de joie qui avaient succédé à ceux de la désolation, en avait été attendri jusqu’aux larmes, et s’était écrié en se soulevant avec peine :