Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/275

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— Qu’il est doux d’être aimé ainsi ! et qu’ai-jc donc fait pour Je mériter ?

« Tel est le peuple de France, ajoute M. de Voltaire en relatant ce fait, sensible jusqu’à L’enthousiasme, et capable de tout excès dans ses affections comme dans ses murmures. »

Le Dauphin et Mesdames avaient reçu, pendant la maladie du roi, l’ordre de s’avancer jusqu’à Verdun et de s’y arrêter ; mais Le duc de Chàtillon, gouverneur du Dauphin et Le plus constant ennemi de madame de Chàteauroux, avait résolu de conduire son élève jusqu’au lit du roi mourant : eu vain M. d’Argenson et Le maréchal de Belle-Isle lui avaient représenté que la fièvre du roi pouvait se communiquer, et que d’ailleurs c’était risquer de causer une révolution au malade que de lui faire voir son fils en ce moment. Le duc de Chàtillon insista et présenta le Dauphin au roi, qui le reçut froidement. Un souverain a tant de raisons de douter des regrets du fils qui lui succède ! Louis XV ne vit dans cet empressement que celui de régner, et il conserva depuis l’éternel souvenir de cet acte de désobéissance[1].

À peine rétabli, le roi tomba dans une mélancolie profonde ; on s’aperçut qu’il devenait chaque jour plus sombre, et qu’il cherchait à se rappeler les scènes qui s’étaient passées pendant sa maladie. Le duc de Richelieu, en apprenant cette disposition du roi, écrivit de Bâle au cardinal de Tencin et au maréchal de Noailles pour négocier son retour ; ceux-ci lui répondirent qu’il n’avait jamais été mieux dans l’esprit du roi, et il revint aussitôt reprendre ses fonctions d’aide de camp et de premier gentilhomme de la chambre. Ce fut une consolation mêlée de quelque espoir pour madame de Chàteauroux que ce retour de son ami auprès du roi ; ce n’était qu’une voix à opposer à tous les cris de haine qui s’exhalaient contre elle, mais cette voix avait un écho dans le cœur de Louis XV, elle serait la plus forte.

M. de Richelieu connaissait trop bien le caractère du roi pour hasarder de lui parler le premier de madame de Châteauroux, pour L’engager à braver l’opinion publique,

  1. Histoire de France, par Lacretelle. — (Vie privée de Louis XV.)