Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/297

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courtisan qui lui valait cette politesse ? Ah ! qu’elle eût été moine incertaine si madame de Tencm lut venue avec son frère !

N’importe, s’il n’y avait pas d’avantage, au moins ne craignait-on pas de déplaire au maître en se montrant bienveillant pour elle ; son cœur trouvait momentanément quelque consolation dans cette idée. C’est alors qu’elle écrivit cette lettre au duc de Richelieu, à Montpellier.

« Paris, 16 novembre 1714[1].

» Il est venu à Paris, cher oncle, et je ne puis vous rendre l’ivresse des bons Parisiens ; tout injustes qu’ils sont pour moi, je ne puis m’empêcher de les aimer à cause de leur amour pour le roi : ils lui ont donné le nom de Bien-Aimé, et ce titre efface tous leurs torts envers moi. Vous ne savez pas ce qu’il m’en a coulé de le savoir si près, et de ne pas recevoir la moindre marque de son souvenir ; mon trouble, mon agitation ne peuvent se décrire ; je n’osais paraître ; on est si cruel à mon égard que toute espèce de démarche aurait para un crime. D’ailleurs, je n’ai plus d’espérance, mon cher oncle, je n’extravague plus, et loin de vouloir mettre des conditions à mon retour par l’exil des uns et des autres, je me sens assez de faiblesse pour me rendre à une simple demande du maître.

» Mais, dites-moi donc, croyez-vous qu’il m’aime encore ? Non, vous me faites assez entendre qu’il ne faut pas compter sur son retour. Il croit peut-être avoir trop de torts à effacer, et c’est ce qui l’empêche de revenir. Ah ! il ne sait pas qu’ils sont tous oubliés. Je n’ai pu résister à ce désir de le revoir ; j’étais condamnée à la retraite, à la douleur, pendant que tout le monde se livrait à la joie ; j’ai voulu en avoir au moins le spectacle ; je me suis mise de manière à n’être point reconnue, et, avec mademoiselle Hébert, j’ai été sur son passage, je l’ai vu : il avait l’air joyeux et attendri ; il est donc capable d’un sentiment tendre ! Je l’ai regardé longtemps, et voyez ce que c’est que l’imagination, j’ai cru qu’il avait jeté les yeux sur moi, et qu’il cherchait à me reconnaître. Je ne puis vous exprimer ce qui se passa

  1. Lettre de madame de Châteauroux, trouvée dans les papiers du maréchal de Richelieu.