Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/300

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ment les blesse ; l’idée de ce départ mettait le comble à la tristesse de madame de Châteauroux ; elle voulait profiter, pour s’éloigner de Paris, de la nécessité où était madame de Lauraguais d’habiter encore quelques jours l’hôtel de Brancas ; car elle ne se sentait pas la force de dire adieu à sa sœur.

C’était le soir du 28 novembre, les chevaux de poste étaient commandés pour deux heures du matin. Voulant tenir son départ secret, la duchesse avait mis dans sa confidence deux de ses gens seulement ; le reste de sa maison était déjà couché. Mademoiselle Hébert mettait à part les objets que voulait emporter sa maîtresse ; la Bible donnée par le roi vint à tomber, madame de Châteauroux se précipite pour la ramasser, la pose sur son canapé auprès d’elle :

— C’est le premier don de son amour, dit-elle, il ne me quittera plus ! Ah ! puissé-je y puiser tous les sentiments qui épurent l’âme et qui aident à mourir !

Alors ses yeux tombèrent sur ce proverbe de Salomon : Le cœur des rois est inscrutable… »

— Est-il donc vrai, mon Dieu ! s’écria-t-elle ; et des pleurs vinrent la soulager.

— Que voulez-vous, dit mademoiselle Hébert au domestique qui ouvrait la porte.

— Mademoiselle, c’est quelqu’un qui demande… à…

— Vous savez bien que madame la duchesse n’est point visible : dites à cette personne qu’elle ne peut entrer.

— Ce n’est point à madame la duchesse, mais à vous, mademoiselle, que ce monsieur veut parler…

— Ah ! oui ; c’est sûrement l’homme d’affaires que j’ai fait avertir ; mais il vient bien tard… N’importe ; dites-lui d’attendre un instant, je vais lui remettre la note de madame. Et mademoiselle Hébert, après avoir pris un papier qui se trouvait sur la cheminée, sortit de la chambre en laissant madame de Châteauroux absorbée dans ses pensées douloureuses.

Elle était encore dans la même attitude, quand mademoiselle Hébert rentra précipitamment, le front pâle, les lèvres tremblantes, les regards animés, enfin dans un état d’agitation qui l’empêchait de proférer une parole.

— Qu’avez-vous donc ? s’écria madame de Châteauroux avec effroi, qu’arrive-t-il ?