Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

je ne mourrai point… Le ciel me fera grâce pour toi… il n’a pas mis tant d’amour dans mon cœur pour l’éteindre si tôt… Je le vois, la prédiction de cette femme, de cet oracle de Choisy, vous revient à l’esprit ; j’en ai été moi-même un instant frappée ; mais la raison nous défend de céder à ces sortes de prévisions. Ce soûl de tristes mensonges ; il n’y a de vrai au monde que mon amour, que tes soins, la tendresse, ton retour a moi. Ah ! c’est le modèle d’un bonheur trop rare sur la terre pour n’en pas perpétuer l’image. Louis… espère… je le veux…

Cet ordre donné par une voix si douce… c’était le despotisme d’un ange.

— Oui, s’écria le roi dans une exaltation douloureuse, oui, je crois à ta vie, à ton amour, à tout ce qui fait mon existence ; je crois que le ciel ne m’a pas soumis à un être si parfait pour me ravir sa protection, son âme, qui est la mienne, cette âme où j’ai puisé tous les sentiments qui honorent ; il sait que je suis ton ouvrage que le sort de la France dépend de ta vie, il vous la conservera.

En cet instant Vernage entra : c’était l’heure où les convulsions reprenaient avec le redoublement de fièvre. La duchesse lui avait elle-même recommandé d’interrompre son entretien avec le roi s’il se prolongeait jusqu’à ce moment, tant elle craignait de l’affliger par le spectacle de son martyre.

— Pardon, dit Vernage en s’adressant au roi, il faut que nous prévenions le retour de la fièvre par un peu de cette potion.

— Approchez, docteur, et voyez comme je respire plus librement ; je suis mieux, n’est-ce pas ? assurez-en donc le roi, pour qu’il retourne sans inquiétude à Versailles.

Vernage ne savait que répondre, car, en l’écoutant, il tâtait le punis de la malade, et le sentait devenir à chaque minute plus convulsif.

— À bientôt, Sire, dit-elle en pressant la main du roi… Adieu… Cette visite m’a l’ait tant de bien !… Ah ! je vous reverrai encore ?… J’espère…

— Demain, je reviendrai savoir…

— À demain… Oui, partez… il est tard, interrompit-elle vivement, à demain… Adieu…

Ce dernier mot fut à peine articulé.