Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/32

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— Quoi ! ce serait pour cette noble occupation que les ministres s’enferment si souvent ? dit madame de la Tournelle.

— On le croit généralement ici, dit madame de Flavacourt, car le roi a plaisanté dernièrement madame de G… sur une aventure de province qu’on lui avait écrite sous le plus grand secret, et dont elle prétend n’avoir parlé à personne.

— Le roi ? répéta madame de la Tournelle d’un air indigné.

— Oui, le roi lui-même : il s’est de plus amusé fort longtemps de l’embarras de la pauvre femme que cette aventure intéresse. Il paraît qu’en voyant son secret connu du roi, elle a pensé qu’il le serait bientôt de son mari, et qu’elle en a pâli de frayeur. Alors le roi, touché de l’état où il la voyait, l’a rassurée en lui jurant que lui seul était dans la confidence. Cela est assez clair.

— Ah ! si je savais, s’écria madame de la Tournelle, que le roi daignât porter sa curiosité sur ce que j’écris à mes amis, je ne manquerais pas à lui faire trouver un petit paragraphe sur ceux qui violent le secret des lettres, dont il ne serait pas flatté, je vous jure.

— Eh bien, donnez-lui cet avis, madame, dit le comte de Vailles en souriant. J’ai l’idée qu’il ne sera point perdu.

— C’est difficile à croire, reprit-elle ; il faudrait en vérité n’avoir rien à faire pour s’occuper de pareilles…

En cet instant on annonça madame la duchesse de Lesdiguières et mademoiselle de Montcravel, une des sieurs de madame de la Tournelle, celle dont madame de Lesdiguières s’était chargée, depuis la mort de la marquise de Nesle, en qualité de parente et d’amie.

La duchesse venait demander à madame de la Tournelle s’il était vrai qu’elle fût du voyage de Mark, et lui proposer de l’y conduire ainsi que madame de Flavacourt, car la duchesse de Mazarin, retenue près de la reine, ne pourrait les accompagner.

Madame de la Tournelle crut voir dans cette démarche un piège tendu à sa faiblesse. Elle connaissait la rigidité des principes de madame de Lesdiguières ; elle savait devoir son amitié à la conduite sage qu’elle avait toujours