Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teauroux, elle prie et pleure, ainsi que tous ceux qui sont là. On dirait qu’un sentiment intime avertit la mourante de sa présence, les douleurs s’apaisent, l’égarement cesse, elle éprouve ce mieux fatal, précurseur de la mort ; ce répit, qui semble être accordé aux agonisants pour leur donner le temps de faire leur paix avec le ciel. Elle demande à faire amande honorable à toutes les personnes de sa famille pour le scandale qu’elle leur a donné pendant sa vie. Le curé de Saint-Sulpice fait approcher le duc de Lauraguais et M. de Flavacourt ; tous deux sont accourus au bruit du danger de leur belle-sœur. Ils ne pensent plus qu’à adoucir ses derniers moments, sanctifiés par tant de résignation et de piété, en lui montrant l’affection la plus tendre ; madame de Lauraguais soutient cette belle tête que la mort même ne peut défigurer. Le chevalier de Mailly, madame de Flavacourt la contemplent avec une sainte admiration, car les plus nobles sentiments sont encore empreints sur ce front décoloré.

— Pardon, dit-elle d’une voix éteinte, pardon du mauvais exemple que je vous ai donné, des chagrins que je puis vous avoir causés ; je meurs avec un sincère repentir de ma faiblesse, non pour le sentiment que le ciel a mis dans mon cœur, et que la mort peut seule en arracher, c’est à Dieu à juger des combats de mon âme, mais pour le scandale de ma conduite… Ah ! si ma sœur de Mailly voyait ce repentir sincère, elle me pardonnerait ses peines…

— C’est elle qui vient réclamer ton pardon, s’écrie la femme voilée en se jetant dans les bras de sa sœur, c’est son exemple qui t’a perdue. Ah ! trois ans de pénitence n’ont pas racheté ce crime, mais le reste de ma vie sera consacré à prier pour toi, chère Marianne… ma sœur la plus aimée…

— Le ciel exauce tous mes vœux… J’emporte les regrets de celui… (Elle n’osa achever). Je vois les vôtres… Dieu est là qui me secourt… ajouta la duchesse en montrant les prêtres et la croix… Je vais à lui… Adieu… Bénissez-moi.

Alors la cérémonie du dernier sacrement commença, et les mêmes chants qui avaient causé tant d’effroi en imagination à madame de Châteauroux la bercèrent doucement dans les régions de l’espérance, avant qu’elle s’endormît pour toujours.