Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/323

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leurs poisons, leurs poignards, pour cesser de souffrir, de haïr… de pleurer !…

Et l’excès de la douleur étouffant sa voix, il tombe à genoux près du lit de la mourante, il baigne de larmes ses mains à demi glacées ; on dirait que ses cris, ses pleurs la raniment ; elle fixe sur lui des yeux sans regard ; ses lèvres s’entr’ouvrent, elle voudrait lui parler, elle le reconnaît sans doute, mais elle n’a plus de voix, mais ses bras ne peuvent plus s’étendre vers lui. Le roi semble deviner qu’elle rappelle, il la presse sur son sein, mais il voit ses yeux se refermer ; alors son courage, l’abandonne, il retombe à genoux aussi pâle qu’elle.

Au même instant, les deux battants de la porte s’ouvrent, des chants d’église se font entendre, la croix divine s’abaisse sous les riches draperies, le saint sacrement resplendit sous le dais ; les prêtres se rangent autour du lit de mort ; une voix s’élève :

— Votre Majesté ne peut rester ici, dit-elle.

À cette voix qui vient du ciel, le roi sent qu’il faut obéir. Mais il se soutient à peine, et la main qu’il tient encore semble par sa contraction lui défendre de s’éloigner.

— Sire, répète le prélat d’un accent formidable, votre Majesté ne peut rester ici.

Alors le duc de Luxembourg et le duc d’Ayen entraînent le roi hors delà chambre, et profitent de l’état de stupeur où ’le désespoir le plonge pour l’arracher à ce lieu de douleur. Ainsi, la même solennité religieuse, le même ordre devait séparer Louis XV de madame de Châteauroux, comme elle l’avait été de lui ; mais pour cette fois c’était bien l’ordre de Dieu lui-même, le signal de la séparation éternelle !



LXIII

LA MORT



Une femme voilée et vêtue de noir était entrée à la suite des prêtres. Prosternée derrière le lit de madame de Châ-