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existence par la mort de la duchesse de Mazarin. Cette perte la laissait sans protection, et même sans asile, car sa tante, âgée seulement de cinquante-trois ans, ne s’attendait point à mourir si tôt, et elle n’avait eu le temps de faire aucune disposition testamentaire en faveur de ses nièces. Cet oubli rendait le comte de Maurepas et sa femme héritiers de la duchesse de Mazarin.

L’esprit et le bon goût sont impuissants contre les petites passions ; la conduite de M. de Maurepas en cette occasion en offre une preuve. Ses prévisions jalouses sur la destinée de madame de la Tournelle, sa crainte de la voir rester à la cour à portée d’exercer d’un moment à l’autre l’empire qu’elle avait dédaigné, l’antipathie innée de tout ambitieux pour une supériorité quelconque, le portèrent à une action qui paraît incompréhensible, surtout de la part de ce qu’on appelle un homme comme il faut. Il enjoignit à ses gens d’affaires de mettre textuellement à la porte de l’hôtel Mazarin madame de la Tournelle et madame de Flavacourt. Celle-ci, que l’absence de son mari mettait dans la même situation que sa sœur, prit un singulier parti qui lui réussit assez bien.

Pendant que madame de la Tournelle, pénétrée de sincères regrets, cache ses larmes par fierté, se dispose à se retirer dans le couvent où elle avait été élevée, madame de Flavacourt se fait porter dans sa chaise au beau milieu de la cour des ministres ; et là, elle attend qu’un des seigneurs de la cour vienne à passer, sûre que le premier venu voudra savoir ce qu’elle peut faire là. Elle se dit :

— Je suis jeune, sans père ni mère, mon mari est absent, mes parents m’abandonnent ; le ciel, sans doute, ne m’abandonnera point.

Placée au milieu de la cour, entre le ciel et la terre, elle fait ôter les brancards de la chaise, renvoie ses porteurs, et attend le secours de la Providence.

D’abord plusieurs personnes passent à côté d’elles sans s’inquiéter d’une station si singulière. Mais le duc de Gesvres arrive, ouvre la portière, et s’écrie :

— C’est madame de Flavacourt : et par quel hasard vous trouvez-vous là ?

— Parce que ma tante est morte, répond-elle, parce que M. de Maurepas et sa femme ont expulsé ma sœur et moi