Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/62

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deux parlent et s’agitent pour tromper leurs amis et ennemis sur l’idée qui les tourmente ! Cela me divertit. Ah ! mon cher, que vous avez été bien inspiré en écrivant Zaïre !

— Au fait, dit tout bas M. d’Argenson, il m’a semblé qu’hier soir Orosmane était entièrement subjugué.

— Et comment en serait-il autrement ? reprit le duc ; en écoutant ces vers si beaux, si passionnés, on deviendrait amoureux de sa grand’mère, s’il n’y avait pas d’autre femme là ; et quand il se trouve en face de vous les plus beaux yeux du monde, jugez de l’effet qu’ils produisent !

— Ainsi donc, dit M. de Voltaire en riant, j’aurai fait hier, sans le savoir, un métier peu honorable.

— Mais très-utile et beaucoup trop calomnié. Grâce aux émotions que vous avez fait naître, nous verrons bientôt. j’espère, le vieux précepteur sans crédit, les convulsionnaires bafoués, Maurepas humilié et Mahomet joué. Osez médire encore des moyens qui conduisent à un tel but !

— Moi, monsieur le duc, reprit Voltaire, je ne médis que du revers.

En cet instant l’huissier de la chambre annonça que le lever du roi était commencé : chacun fut admis selon son rang, et, lorsque la plus grande partie des courtisans fut sortie, lorsqu’il ne resta plus près de Louis XV que le duc de Richelieu, on vint appeler M. de Voltaire, et il entra dans le cabinet du roi.



XII

LA PAUVRE FEMME


Après une nuit passée dans toutes les agitations d’un sentiment vivement combattu, dans cet état de fièvre où les images les plus enivrantes s’offrent à l’imagination à