Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vous ne puissiez entendre. D’ailleurs, n’êtes-vous pas instruit de tout ?

— De tout ? Non ; mais j’en sais quelquefois plus que ma discrétion n’en peut porter ; le silence n’est pas facile quand les secrets abondent. Sans compter qu’à la cour on vous recommande toujours de ne point parler de ce que l’on confie soi-même à tout le monde.

Puis, s’adressant à madame de la Tournelle :

— Qu’avez-vous donc ce matin, chère nièce ? Je ne reconnais plus ce céleste visage d’hier soir. En vérité, vous étiez belle à tourner la tête des plus sages : aussi, Dieu sait les ravages que vous avez faits ! On ne parlait que de vous au lever. À propos, j’oubliais que je viens ici en qualité d’intendant pour vous rendre mes comptes ; voilà les mille louis que votre veuve infirme a gagnés hier. Convenez que j’ai eu une bonne idée de l’associer au jeu du roi. La pauvre femme est revenue ce matin chez moi pour le brevet de sa petite pension. Je n’ai pas voulu vous ôter le plaisir de lui apprendre la fortune qu’elle vous doit. Je lui ai donné rendez-vous ici pour être témoin de sa surprise et de sa joie.

— Vraiment, des spectacles de ce genre ne sont pas communs, dit madame de Tencin, et je serai charmée d’y assister.

Madame de la Tournelle ne se refusa point à leur donner ce plaisir, malgré l’embarras qu’en pourrait éprouver sa protégée ; car elle voulait que personne ne pût douter de l’emploi qu’elle avait fait de cette somme envoyée par le roi. Elle sonna pour qu’on fit entrer la pauvre femme.

— M. le duc de Richelieu a parlé de vos malheurs devant le roi, ma bonne mère, et voici ce que Sa Majesté vous donne, dit-elle eu remettant à la veuve les mille louis que le duc venait de déposer sur son chiffonnier.

— Est-il bien possible, madame ! s’écria la pauvre femme en tombant aux pieds de madame de la Tournelle, comme elle l’eût fait devant une sainte après en avoir obtenu un miracle.

Et le petit enfant qui l’accompagnait imitait sa mère, et baisait le pan de la robe de sa bienfaitrice. Celle-ci les relève tous deux, embrasse l’enfant, baigne ses blonds cheveux des larmes de l’attendrissement. Puis, interrompant leurs remercîments, les vœux qu’ils font pour elle :