Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/74

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intérieure, et apaiser ainsi les bruits qui alarmaient madame de la Tournelle.

Il espérait pouvoir concilier les intérêts les plus contraires, ménager le vieil attachement de madame de Mailly sans rien perdre de ses espérances auprès de sa sœur. Il se flattait même que, sous le voile d’une ancienne liaison, il pourrait mieux cacher les progrès de la nouvelle. Déjà il avait écrit plusieurs billets pour engager madame de la Tournelle à lui accorder un moment d’entretien, soit par l’effet d’une rencontre à la chasse, soit en acceptant une invitation au château de Choisy. Mais quelque chose lui disait que ses propositions seraient mal accueillies, et que la femme qui inspirait autant d’estime que d’amour ne pouvait être traitée comme les autres.

Alors, jetant au feu ces billets qui lui paraissaient trop froids ou trop fades, il imagina de faire une réception pompeuse à l’ambassadeur que venait de lui envoyer la Sublime Porte et de profiter de cette fête qui réunirait toutes les femmes de la cour pour réclamer de madame de la Tournelle l’entretien qu’il désirait.

Il était préoccupé de cette idée, lorsque M. de Richelieu vint lui montrer la lettre de madame de la Tournelle. Il en resta confondu ; jamais il n’avait rencontré une telle résistance : il s’en irrita d’abord, la traita de coquetterie, de manège ; puis, passant du dédain à la jalousie, il prétendit que ces beaux scrupules de vertu n’avaient d’autre cause que l’amour de madame de la Tournelle pour le duc d’Agenois.

— Madame de la Tournelle ne m’a point confié ses sentiments secrets, répondit le duc de Richelieu d’un ton grave ; mais je puis vous affirmer, sire, qu’elle est incapable de feindre les scrupules et la résistance. C’est une femme honnête que je ne crois pas à l’abri d’une faiblesse de cœur, mais qui le sera toujours d’un calcul ignoble et de tous les petits manèges d’une coquetterie vulgaire.

Le roi était persuadé de cette vérité ; aussi ne prit-il un air incrédule que pour engager le duc de Richelieu à confirmer son assertion par des preuves.

— Je manquerais au plus sacré des devoirs de l’amitié, si je pouvais laisser calomnier, même par vous, sire, le caractère dont j’ai eu plus d’une fois l’occasion d’éprouver