Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/80

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— C’est bien la femme qui prouve le mieux l’empire du bon goût en France, dit M. de Chavigny ; d’une naissance bourgeoise, d’une figure et d’un esprit ordinaires, en dépit de la réputation qu’on a voulu lui faire, elle n’est vraiment distinguée que par son goût pour toutes les supériorités de l’époque ; mais ce goût devient une puissance dans un pays où tout le monde vise à l’esprit, et cela seul explique l’importance du salon de madame de Geoffrin. Il n’est pas un étranger illustre par son rang ou son mérite qui ne brigue l’honneur d’y être admis ; et, à force de choisir sa société dans l’élite de la bonne compagnie, elle a fini par avoir des grands seigneurs pour courtisans et un roi pour ami intime. Notez bien que je dis pour ami, autrement rien ne serait moins remarquable.

Cette réflexion fit rougir madame de la Tournelle ; on peut donc être l’amie d’un roi, pensa-t-elle. Cette idée, qui ne s’était pas encore présentée à son esprit, y fit luire un rayon d’espérance. L’illusion la plus dangereuse pour une âme noble est celle qui lui montre la possibilité de se livrer à un sentiment tendre sans manquer à la vertu ; ce ne sont pas toujours les mauvais exemples qui pervertissent le plus, mais bien le modèle d’une sagesse qu’on croit pouvoir imiter ; la pureté d’une femme la rend si confiante !



XVI

MONTESQUIEU


— Enfin je vous l’amène, dit madame de Tencin en entrant ; ce n’est pas sans peine, je vous le jure, car il devient d’une sauvagerie…

— Qui cède bien vite au désir de vous voir, madame, dit le président de Montesquieu en apercevant madame de Mirepoix. Mais on veut que je vous assomme d’une lecture, et vous savez si je les trouve ridicules.

— Celle-là ne vous ennuiera pas, mesdames, dit l’abbé Guasco, j’en suis garant ; il s’agit d’une histoire orientale où