Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/135

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entra pour annoncer que l’on était servi, Frédéric m’offrit la main pour me conduire à table, et j’y fus placée entre lui et sir James qui en faisait les honneurs avec Lucie, tandis que madame de Gercourt soutenait la conversation par des mots plus heureux les uns que les autres. Sir James, occupé de tout le monde, ne m’adressa la parole que pour m’offrir les choses que je pouvais désirer, mais il remarqua avec quelle émotion Frédéric me parlait de tout ce qu’il avait fait depuis trois mois pour me prouver sa soumission à mes ordres ; il n’entendit qu’une partie de cet entretien, et je souffris en pensant qu’il allait lui faire naître une seconde fois l’idée que j’avais donné quelque droit à Frédéric de me parler avec tant de franchise du sentiment que je lui inspirais. Cette obligation où l’on se trouve dans les grands cercles, d’écouter de force tous les discours qu’il plaît à votre voisin de vous adresser, m’a toujours déplu ; il faut pourtant les supporter, quelque impertinents qu’ils puissent être, à moins de faire une scène dont les conséquences sont plus désagréables encore : si j’avais imposé silence à Frédéric, il eût pris de l’humeur, et son dépit l’aurait porté à quelque extravagance. Cette réflexion m’a donné le courage d’attendre patiemment la fin du repas pour m’éloigner de lui. Dans cette idée, lorsqu’on se leva de table, je me tournai du côté de sir James, imaginant qu’il allait