Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agréable. Je lui rends grâce de cette franchise, elle me donnera le courage de me séparer de lui sans regret ; et si son image me poursuit dans ma retraite, au moins s’offrira-t-elle à mes yeux dépourvue de tous les charmes qui auraient été si dangereux pour moi. Je ne verrai plus cette expression noble et touchante, empreinte sur chacun de ses traits, ce sourire mélancolique qui portait dans l’âme un sentiment doux et langoureux ; ils ont fait place à tous les signes qui annoncent la fierté et l’indifférence. Cette nouvelle image me garantira du souvenir de l’autre, et bientôt je ne souffrirai plus que de m’être aveuglée un instant, au point de comparer les inégalités de ce caractère bizarre, aux perfections d’un être qui n’a vécu que pour mon bonheur.

Le portrait de Lucie est achevé ; elle l’a fait monter sur une jolie bonbonnière, que Jenny et Emma doivent donner demain à sir James. Je ferai en sorte de n’être pas témoin de la manière dont il recevra ce présent, sûre qu’il en sera faiblement satisfait. Lucie a la bonté de s’imaginer qu’il lui causera un plaisir infini ; je ne sais quoi m’avertit qu’il ne l’accueillera qu’avec froideur ; mais je n’y veux plus penser. Oublie tout ce que je t’en ai dit, et ne me parle plus désormais que de ce qui t’intéresse.

Ma petite Emma me donne quelque inquiétude ; depuis deux nuits elle ne dort pas, et le soir il lui