Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/203

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mais sir James, plongé dans sa rêverie, garda le plus profond silence. On parla des arts, et pour la première fois je ne me mêlai point à une conservation toujours intéressante pour moi ; mais je ne pensais qu’à l’émotion de James. Je me reprochais d’avoir choisi un morceau qui devait réveiller ses souvenirs douloureux, et ce qui m’occupait encore plus, c’était de le voir trop vivement pénétré d’une ancienne douleur, pour jamais espérer de l’en consoler par un autre sentiment.

M. Bomard coucha le soir à Savinie. Je lui dis en secret que j’avais formé le projet de retourner aujourd’hui à Varannes, et que je le priais d’accepter une place dans ma voiture.

— Je veux partir, lui ai-je dit, avant le réveil de Lucie, mes adieux l’affligeraient, et je dois lui sauver un moment pénible pour tous deux.

Il approuva mon dessein, et nous l’avons exécuté sans obstacles. J’ai laissé à Jenny un billet pour sa mère, dans lequel je lui répète tout ce que mon amitié lui a exprimé tant de fois ; je lui dis aussi que j’espère venir passer quelques jours avec elle l’été prochain ; mais je t’avoue que je suis bien décidée à n’en rien faire. J’essaierais vainement de te donner l’idée de ce que j’éprouve maintenant, je ne le définis pas moi-même. J’ai quitté Savinie sans répandre une larme. En arrivant ici, tout ma paru changé, et ce-