Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/204

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pendant rien ne l’est que mon cœur. Me belle-mère m’a comblée d’amitié, j’en ai été faiblement touchée. Madame de Gercourt et l’abbé m’ont fait des épigrammes qu’à peine ai-je entendues ; Caroline est la seule dont je me sois un instant occupée ; je l’ai trouvée si pâle, si triste, que j’ai craint qu’elle ne fût malade ou malheureuse. Je lui ai parlé de sa santé avec un sincère intérêt ; mais elle m’a répondu si laconiquement, que je n’ai pas osé lui faire d’autres questions. Je suis sortie du salon de bonne heure, et quand je me suis vue seule, j’ai voulu t’écrire. J’ai passé dans mon cabinet ; la première chose qui se soit offerte à ma vue a été le portrait de Henri, son image a retracé tous mes souvenirs ; et pendant deux heures, les yeux attachés sur ce tableau, je n’ai pensé qu’aux moyens d’éteindre mon amour. Je me suis reproché de verser d’autres pleurs que ceux dûs à la mémoire de mon époux ; j’ai promis de ne plus l’offenser par des vœux coupables, et j’espère être fidèle à ce serment.

Adieu, mon amie, voilà la dernière longue lettre que tu recevras, car si je m’impose la loi de ne plus te parler de lui, qu’aurai-je à te dire ?