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XLII


Caroline m’inquiète vivement, chère Juliette, je crains qu’elle ne tombe tout-à-coup en langueur ; personne ici n’a l’air de remarquer son changement, et cependant il est visible. J’en ai parlé à madame de Gercourt : tu ne devinerais jamais de quelle manière elle ma répondu quand je lui ai demandé si tout ce que paraissait éprouver Caroline ne serait pas l’effet d’une passion malheureuse ?

— Vous plaisantez, m’a-t-elle dit ? Auriez-vous la bonhomie de croire à ces grandes passions, dont tant d’auteurs romanesques se sont plu à nous faire des peintures exagérées, et que plusieurs prétendus philosophes ont traitées avec toute l’importance dûe à la réalité ? Vous ne savez donc pas, ma chère, que l’amour n’existe que dans l’imagination ! Avez-vous jamais entendu dire que des sauvages ou des paysans fussent morts victimes de ce que nous appelons une grande passion ? C’est à la cour, c’est dans les villes capitales, que l’amour joue un aussi grand rôle !

— Mais, lui ai-je répondu, j’ai été témoin de plusieurs traits qui démentent ce que vous avancez.