Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avons eu ensemble était fait pour diminuer ma tristesse.

— J’ai depuis longtemps, ma chère Laure, une importante question à vous faire, (a-t-elle commencé par me dire.) Votre sort est doublement intéressant pour moi, puisque vos projets doivent influer sur la félicité d’un être qui m’est aussi cher que vous.

Ce début me fit frémir, je pressentis ce qu’elle allait m’apprendre.

— À votre âge, ajouta-t-elle, avec vos talents et les agréments de votre esprit, on se doit au bonheur d’un autre. Vous avez fait pendant quatre ans celui d’un fils que j’aimais tendrement, et vos pleurs ont assez prouvé les regrets que vous causait sa perte ; mais le temps affaiblit tout, ma fille, et la religion nous ordonne d’accepter les consolations que le ciel nous envoie. Je mets au nombre de ces consolations le plaisir d’être adorée d’un homme aimable et vertueux ; et je vous demande si la certitude de rendre à votre enfant un protecteur, un père tendre, et de combler les vœux de celui qui serait heureux de vous consacrer sa vie, ne vous engagerait pas à former de nouveaux liens ?

Je restai quelque temps sans répondre, et je sentis que la crainte d’irriter madame de Varannes par un refus personnel, allait m’obliger de mentir à moi-même.