Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/212

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retirer entièrement du monde pour consacrer sa vie à Dieu.

— Quoi ! me suis-je écriée, elle voudrait se faire religieuse ?

— Oui, reprit-elle, depuis deux mois elle me supplie de la laisser retourner à son couvent ; j’ai demandé à l’abbé ce qu’il pensait de cette subite résolution, il m’a répondu qu’elle était l’effet d’une inspiration divine, que ma fille était appelée vers Dieu par une voix puissante, et que son bonheur dépendait de mon consentement. J’ai refusé de lui accorder avant que le temps ait mûri ses réflexions ; mais elle persiste toujours dans son projet, elle assure qu’elle ne peut être heureuse qu’en se livrant à tous les devoirs de la religion, qu’en fuyant un monde pervers pour s’approcher de la divinité.

Tu imagines facilement ce que m’a produit ce discours.

— Gardez-vous, lui ai-je dit, de consentir à cet affreux sacrifice. Quoi ! vous pourriez de sang-froid ensevelir votre enfant dans un de ses vastes tombeaux élevés par le fanatisme, et toujours habités par les regrets et le malheur ? Pensez-vous aux reproches qu’elle vous adresserait, quand après avoir reconnu l’erreur qui l’aveugle maintenant, elle vous accuserait d’une coupable complaisance, et vous ferait frémir par le tableau des infortunes auxquelles votre fai-