Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/291

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prévoir tout ce qu’elle devait m’inspirer !… Rappelle-toi, Laure, le moment où je te vis pour la première fois ; celui où l’enfant de ma sœur effrayé de tes vêtements lugubres se précipita loin de toi. À ce mouvement je crus que la nature entière frémissait de mon crime ; et je m’enfuis l’âme saisie d’épouvante et d’horreur. Dès-lors, mon cœur se remplit de ton image. Je vis sans cesse devant moi, ces yeux éteints par la douleur, dont chaque regard languissant semblait m’accuser et se plaindre ; cette douce mélancolie qui, répandue sur ta personne, ajoutait encore un charme à tous les tiens ; enfin jusqu’au son de ta voix, tout vint accroître mes remords. Mes larmes coulèrent de nouveau ; je croyais pleurer sur le sort du malheureux que ma barbarie avait privé de tant de félicité, mais déjà je ne souffrais plus que du regret d’avoir détruit la tienne.

« Je fus longtemps la dupe de mon cœur, j’attribuai ce que je ressentai à ton approche, au souvenir que tu me rappelais, et je rendis grâce au ciel de m’avoir mis à portée de remplir aussi facilement les vœux de Henri. Le désir de te plaire me parut dicté par le sentiment le plus pur. Son amitié, me disai-je, me tiendra lieu du pardon qu’elle aurait peut-être accordé à mon repentir, s’il m’eût été permis de lui avouer ma faute ; et ce n’est qu’en méritant son estime et sa confiance, que je pourrai goûter un instant de tran-