Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/302

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ranimer sa sensibilité, en l’excitant par des paroles attendrissantes, mais elle l’écouta sans en paraître émue. Trois heures s’étaient écoulées dans cet état pénible ; madame de Varannes et Juliette, retirées dans un coin de l’appartement, n’osaient se communiquer leurs craintes ; Delval, Frédéric, et le respectable curé gardaient un morne silence. Emma, la chère Emma, jouait aux pieds de sa mère ; et, sans deviner la cause de ce calme profond, semblait craindre de le troubler. Quand tout à coup on entend le bruit d’un coup de pistolet… Aussitôt Laure jette un cri perçant, se lève avec fureur, renverse tout ce qui s’oppose à son passage, court, se précipite, et ne s’arrête qu’au tombeau de Henri… Frédéric arrive le premier, la voit étendue sur le corps de son amant, et déjà baignée du sang qui coule de sa blessure… Oh ! spectacle d’horreur !… oh ! trop funeste exemple !… qui pourrait exprimer ce que tu inspiras de terreur, de pitié, dans l’âme de ceux que ce tableau sanglant frappa de désespoir !

De telles peines se sentent et ne s’expriment point. Ceux dont les cœurs sensibles auront connu l’amour, donneront une larme au malheur de ces deux amans, et comprendront ce qu’éprouva Laure en lisant les mots que lui adressa James, au moment de sa mort.