Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/71

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besoin, après avoir réfléchi sur ma situation et sur la vôtre.

En disant ces mots, je me suis éloignée sans attendre sa réponse, et je l’ai laissé dans un état de désespoir qui m’a fait regretter de n’avoir pas ménagé davantage mes expressions. Je suis rentrée dans mon appartement, l’imagination remplie d’idées sombres : je me figurais Frédéric malheureux, et par moi, fuyant la maison de sa mère pour n’y plus voir l’objet qui cause ses chagrins ; puis réfléchissant au caractère de ce jeune homme, je me rassurais par la certitude de le voir bientôt distrait d’un sentiment qui ne lui laissait aucune espérance. Il est trop léger, me disais-je, pour être susceptible d’une violente passion ; j’éviterai tout ce qui pourrait alimenter son amour par quelques rayons d’espoir, et le souvenir de son frère, l’assurance que ce souvenir occupe entièrement mon cœur, tout enfin parviendra à effacer une impression que je ne crois pas profonde.

Il était fort tard quand je m’endormis, et ce matin mon sommeil a été interrompu par Emma que sa bonne cherchait à retenir, et qui toute essoufflée venait me dire :

— Descends bien vite, maman, mon oncle veut partir ; ma bonne-maman pleure et m’envoie te chercher.