Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/98

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d’excuse. Je suis sûre qu’elle ne s’imagine point que tous ses discours aient pu me sembler étranges.

Tu n’es pas à beaucoup près du même avis que ma belle-mère sur son compte, et tu la traites bien sévèrement. Quoi ! tu prétends qu’elle met les vices en actions et les vertus en préceptes. Ah ! ma Juliette, tu n’as pas réfléchi sur toute l’étendue de cette méchanceté ! Sais-tu bien qu’une femme de ce caractère serait plus dangereuse par l’apparence même de cette vertu, que celle qui ne mettrait aucune pudeur dans sa conduite. On l’accuse, dis-tu, d’un peu de galanterie : tu n’ignores pas que sur ce point on amplifie toujours, et quant à ce qui regarde la petite querelle de ménage qu’on veut absolument qu’elle ait excitée entre un grand seigneur et sa femme, sait-on ce qui l’a amenée ? et faut-il ternir la réputation d’une femme de mérite sur un aussi léger indice ? Je ne reconnais pas là ta bonté ordinaire, ma Juliette, toi que j’ai entendue si souvent prendre la défense des malheureuses victimes de la calomnie ! toi qui joins l’indulgence à l’exemple de toutes les vertus ! comment celles de madame de Gercourt n’ont-elles pas trouvé grâce auprès de toi ?

M. de Savinie est venu ce soir nous faire ses adieux. Lucie et M. Billing étaient avec lui : je n’ai rien vu de plus intéressant que l’air accablé de cette pauvre Lucie ; j’ai deviné sans peine, à sa tristesse,