Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/129

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L’amour, ce doyen des aveugles, ne doit son éternelle cécité qu’à son égoïsme imperturbable. Renfermé dans son intérêt personnel, il ne voit que ce qu’il imagine, et sent trop pour observer ; sans cela Sosthène aurait été frappé des impressions qui assombrissaient le visage d’Adalbert, de la colère qui fronçait ses sourcils et décolorait ses lèvres chaque fois que le nom de Fresneval revenait dans son récit ; il aurait deviné à l’immobilité, à l’oppression d’Adalbert, son application à paraître calme et la peine qu’il avait à se taire. Mais, tout à son regret d’avoir perdu en un moment de dépit le fruit de tant de soins, le trésor de tant d’espérances, Sosthène ne vit dans l’air sombre, dans le regard farouche de son ami, que la juste indignation d’une âme loyale contre ces sortes d’intrigues si communes chez les femmes qui espèrent concilier les avantages d’une conduite austère avec les plaisirs d’un amour clandestin ; et cela en choisissant leur adorateur dans une condition assez humble pour échapper aux soupçons.

— Je le vois, dit-il, malgré la pitié qui te retient, tu partages mes craintes ; tu n’oses me dire ce que je me répète sans cesse, qu’il est des rivalités inacceptables, qu’il faut obtenir le renvoi de cet homme ou lui céder la place.