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obtenir quelques vers, c’était à qui lui prouverait la nécessité de justifier son nom par un sacrifice aux allusions.

Alors, faisant remplir sa coupe d’un vin des Gaules rapporté par César, et s’inclinant avec toute la modestie d’un lauréat en herbe, il entama la première ode d’Horace ; mais les femmes s’écrièrent à la fois :

— À bas le pédant et vive le poëte ! qu’Horace nous parle dans la langue que tout le monde entend ici.

— J’obéis, reprit Alfred, sans paraître embarrassé de satisfaire à cet ordre, et il improvisa la traduction de l’ode : a Crispum Sallustium[1], en ajoutant celle des premières strophes de l’ode : à ses amis[2], et ces beaux vers philosophiques et bachiques furent traduits avec tant d’exactitude, avec tant de bonheur et d’harmonie, que Salluste, s’emparant d’une des couronnes de fleurs qui ornaient les flambeaux du festin, la posa sur la tête du jeune poëte. On le proclama l’Horace moderne, sauf à prouver plus de courage et autant de talent que son modèle. On but à sa future gloire, on l’autorisa à en réclamer un prix, et se fiant à sa

  1. Nullus argento color est avaris (Ode ii, liv. ii.)
  2. Nunc est bibendum (Ode xxxvii, liv. i.)