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dèle de la beauté idéale ; le monument s’appelait le Colisée, la statue était de Praxitèle, le tableau était de Raphaël, cela lui suffisait.

Il en était de même pour la musique : le chanteur à la mode, la Prima Donna la plus bissée (comme on dit aujourd’hui) avaient seuls droit à ses applaudissements, et ils étaient d’autant plus frénétiques, qu’il avait plus souffert des roulades d’une longue cavatine ou des cris déchirants d’un duo interminable. À l’abri d’aucune impression personnelle en fait d’art, il empruntait celles de tout le monde, et s’en pénétrait si bien, qu’on s’y trompait souvent au point de lui demander son avis. C’est alors qu’il déployait une guirlande de lieux-communs en l’honneur des talents dont personne ne contestait la supériorité, et qu’il s’établissait en causeur moderne, tranchant des succès, des réputations, et se croyant le Christophe Colomb des idées dont il n’était que l’écho monotone.

Mais si le plus humble des voyageurs l’emportait de beaucoup sur lui par la vérité, la finesse de ses jugements artistiques, il n’en était pas un capable de rivaliser avec lui sur la connaissance des moindres événements de la société ; il avait la prétention, presque toujours fondée, d’en savoir les causes et les résultats.