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riche et simple. Adalbert ne pouvait la regarder sans être ému de crainte et d’orgueil ; il se représentait l’effet que produirait dans les brillants salons de Paris, cette taille élégante, ce profil grec, cette grâce française ; et l’admiration conjugale qui le transportait lui en faisait redouter de moins honnêtes. Sans cet excès de modestie, il aurait trouvé dans son propre mérite des raisons de croire à la préférence qu’il devait naturellement obtenir sur tous les adorateurs ; mais avec sa nature orgueilleuse et méfiante, il regrettait que sa femme n’eût pas une de ces figures d’héritières qui attirent les épouseurs et éloignent les amants.

Les compliments qu’on lui adressait de tous côtés sur la beauté de sa future ajoutaient encore à ses craintes, surtout ceux de son oncle, le baron de Croix-Neuve, vieux grognard de l’Empire, qui avait passé sa vie à faire beaucoup de bien et à dire beaucoup de mal, professant l’immoralité par ton et la bienfaisance par caractère ; aussi était-il chéri et détesté.

— Ma foi ! tu as bien fait de la prendre jolie, disait-il à son neveu, car il n’en est ni plus ni moins, et il y a toujours plus de profit à être trompé par une belle que par une laide ; vois Saint-Irène, il a cru se mettre à l’abri de tout mal-