Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/58

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— Je remercie le ciel de n’avoir pas les moyens d’être aussi méchante, reprit Mathilde, car je m’en servirais peut-être, et je m’en repentirais bientôt ; les succès de ce genre se paient toujours trop cher.

— Et vous pouvez vous contenter des vôtres, dit le colonel.

Et il se rapprocha de M. de Varèze, qui venait de se lever. Mathilde s’aperçut qu’ils se disposaient tous deux à partir ; alors faisant quelques pas vers Albéric, elle dit d’une voix émue :

— Vous oubliez ce que vous aviez à me dire ?

— Non, répondit-il, mais à quoi bon vous en parler ? vous le savez, cela me suffit. Je sens combien je dois vous paraître ridicule aujourd’hui ; attendez à demain pour me juger, et vous m’excuserez peut-être.

Il y avait dans cet adieu un sentiment de tristesse qui fut trop compris de Mathilde ; elle aurait voulu y répondre par quelques paroles rassurantes, la crainte de trahir ce qu’elle éprouvait l’en empêcha. Mais elle leva les yeux sur Albéric, et ce regard si doux et si triste lui répondit au moins de son indulgence.

La soirée finie, Mathilde voulut se rendre compte de l’agitation qu’elle en conservait ; elle en fut d’abord effrayée, car elle ne pouvait se dissimuler que M. de Varèze y avait une grande part, et la seule idée qu’un homme de son caractère pouvait prendre le moindre empire sur elle lui inspirait une véritable terreur ; mais, elle finit par se persuader que toute autre per-