Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/60

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ponse, les yeux de la duchesse se portèrent sur sa pendule, elle rougit en voyant combien elle avait devancé l’heure où elle sonnait chaque matin sa femme de chambre, et prétexta une indisposition pour motiver cet empressement extraordinaire.

Mademoiselle Rosalie, la trouvant en effet pâle et très-oppressée, lui proposa d’envoyer chercher le docteur V…

— Gardez-vous-en bien, je ne suis point malade, répliqua vivement sa maîtresse en oubliant qu’elle venait de dire le contraire.

Puis elle demanda un livre, congédia mademoiselle Rosalie, et se mit à rêver. La scène qui se passait au bois de Boulogne lui apparut alors, ou, pour mieux dire, elle la créa de vingt manières : tantôt c’était M. de Marigny qui succombait, et Albéric, chargé du meurtre d’un homme qu’il avait bafoué, devenait l’objet de l’indignation générale : il fallait le proscrire de la société, ne plus le revoir ; tantôt c’était lui qui recevait le coup mortel, et cette supposition glaçait le sang de Mathilde. En vain elle essayait de la chasser, en se représentant le colonel Andermont prêt à arranger l’affaire, en obtenant de chacun des adversaires d’honorables concessions ; son imagination frappée la ramenait toujours à ce qu’elle redoutait le plus.

Enfin, dix heures sonnèrent, on entra chez la duchesse de Lisieux pour lui remettre un billet ; elle tremblait en le prenant, ses yeux troublés ne recon-