Page:Nichault - Physiologie du ridicule.pdf/98

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heur de cette sœur chérie ; elle élève ses neveux ; et si la dissipation de leur mère nuit à leur fortune, elle les dote de la sienne. On ne peut la flatter, lui plaire, qu’en louant ou en aimant sa sœur et ses neveux : elle n’a jamais dit le mot moi de sa vie ; son orgueil, sa sensibilité, sa coquetterie, ses succès, « elle a tout placé chez Adèle, » chez cette aimable sœur, qui semble l’avoir devancée de deux années dans ce monde pour être le premier, l’unique sentiment qu’elle doit éprouver. L’humeur, la jalousie, n’ont jamais altéré cette communauté de cœurs où l’un donne tout et l’autre quelque chose ; car, lorsqu’une femme a payé sa dette à l’amour, à la maternité, que lui reste-t-il pour l’amitié ?

N’importe, cette affection secondaire suffit pour alimenter le dévouement de son existence entière. D’abord, on médit d’un si parfait détachement de soi-même, on irait jusqu’à le calomnier, s’il n’était justifié par le respect qu’il inspire ; mais ce qui est bien a cela de bon qu’on ne peut en médire longtemps. Aussi la conscience du vrai agit en dépit de tout ; et, si elle force quelquefois à mépriser ce qu’on aime, elle conduit à l’estime et à l’admiration à travers la malveillance et le dé-