Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/11

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madame Donavel, quoique ancienne élève de madame Campan, allait rarement la voir, et n’avait plus de rapports qu’avec les anciennes pensionnaires de son âge, mariées ainsi qu’elle depuis plusieurs années. Craignant donc de ne pas réussir dans une démarche qui exigeait peut-être plus que de l’adresse, elle eut recours à la duchesse d’Alvano pour obtenir les renseignements que son mari désirait sur la fortune et le caractère de mademoiselle Brenneval.

La duchesse d’Alvano, comme toutes les femmes uniquement occupées des plaisirs, des intrigues, ou des petites tracasseries du monde, saisit avec joie cette occasion d’entrer, pour ainsi dire, dans un secret, et de jouer un rôle dans une affaire à laquelle s’intéressait l’empereur ; car son expérience ne lui permettait point de douter que les renseignements qu’on voulait se procurer sur la jeune Ermance Brenneval n’eussent pour but un de ces mariages par ordre qui se faisaient journellement à la cour. Jalouse d’être citée pour son zèle en cette occurrence, elle se rendit sans délai à Saint-Germain.

L’arrivée d’une ancienne compagne, devenue dame du palais, duchesse, et, plus encore, femme à la mode, cause une telle sensation parmi les pensionnaires que les études en sont interrompues ; chacune d’elles court à la fenêtre pour voir le carrosse, la livrée, et surtout la parure de l’élégante Euphrasie. On se demande quel peut être le motif de sa visite ; car ce n’était point encore l’époque de la fête de madame Campan, et l’on ne songeait pas à arranger une de ces imitations de Saint-Cyr-Maintenon, une de ces représentations pompeuses où les plus jolies pensionnaires se montraient parées des diamants de leurs compagnes couronnées, et où l’on entendait les vers de Racine déclamés par de douces voix, et applaudis par une cour brillante.

— Ah ! je devine, dit une grande élève qui semblait oubliée par sa famille ; la duchesse d’Alvano n’a ici personne qui l’intéresse ; sa fille est encore trop petite pour entrer en pension, et je parierais qu’elle vient pour quelque affaire dans le genre de celle qui nous a valu dernièrement un jour de récréation.