pouvoir le nourrir elle-même. Ce devoir fatigant l’aurait distraite des reproches amers qu’elle s’adressait, sa vie lui aurait été nécessaire ; quelque chose lui disait que cet être innocent devait l’aider à racheter sa faute en la lui rappelant sans cesse, et plus encore en lui imposant le sacrifice de tous les sentiments d’amour et d’espérance qui ne devaient plus occuper son cœur.
Elle se rétablissait lentement, lorsqu’une lettre de la duchesse d’Alvano vint la plonger dans une inquiétude mortelle.
« Avez-vous des nouvelles de M. de Lorency ? lui écrivait-elle : j’espère que le bruit qu’on répand ici est faux, et je compte sur votre bonté pour m’aider à rassurer ses amis. »
Impatiente de savoir quel est ce bruit alarmant, madame de Lorency fait venir le courrier qui a apporté cette lettre ; elle lui demande s’il n’a point entendu parler du motif qui l’a fait envoyer en hâte au château de Montvilliers ; il répond que la femme de chambre de madame la duchesse lui avait dit qu’on venait d’apprendre la mort d’un jeune officier assassiné en Espagne par des paysans cachés derrière une haie, mais qu’on ne lui avait pas dit le nom de cet officier. À ces mots, Ermance jette un cri d’effroi, et s’élance hors de sa chambre, elle va chez son oncle le conjurer de la laisser partir à l’instant même pour aller éclaircir un doute insupportable : en vain on lui représente qu’elle est trop faible encore pour s’exposer à faire douze lieues par un temps effroyable, en vain on lui dit que le mouvement de la voiture lui fera beaucoup de mal ; elle affirme qu’elle peut braver tous les dangers plutôt que l’inquiétude qui la dévore, et elle s’obstine à partir. M. de Montvilliers, ne pouvant la faire renoncer à son projet, se décide à l’accompagner à Paris.
Le courrier repart avec un mot qui doit avertir les gens de madame de Lorency de son arrivée et de celle de son oncle. Les chevaux de poste arrivent ; Ermance recommande son enfant à fa surveillance de la bonne Mélanie, et pénétrée de reconnaissance pour le vieil ami qui ne veut pas la quitter dans l’anxiété où elle se trouve, elle monte en voiture avec lui ; une calèche les suit, où se trouve mademoiselle Augustine