— Je l’ai rencontré, dit-il, chez Tortoni, où il venait très-modestement calmer sa faim avec un sorbet à l’orange. Je savais par le président qu’Adhémar et vous reveniez souper, et j’ai pensé que vous auriez pitié de ce pauvre affamé qui n’a pu trouver un morceau de pain à manger dans ce palais des rois. Belle noce, vraiment, que celle où l’on fait jeuner les témoins !
— Tant qu’a duré la célébration, je n’ai pas eu à me plaindre, dit Auguste ; quelques morceaux de chocolat, quelques bonbons, dont plusieurs femmes charmantes m’ont fait la charité, avaient suffi pour me donner du courage ; mais quand j’ai vu arriver l’heure de ce banquet royal, que nous étions condamnés à regarder seulement, la fête s’est fort attristée pour moi, et je n’ai plus pensé qu’au moment où cette belle parade serait finie pour aller chercher ma vie ailleurs ; mais les illuminations ont mis tous les cuisiniers en campagne, et je suis bien heureux que vous ayez pitié de moi, car s’il m’avait fallu aller ainsi jusqu’au Marais je serais arrivé chez moi à moitié mort.
Adhémar, qui revenait au même instant du château avec madame de Cernan, parut très-satisfait du soin qu’Ermance avait eu de faire préparer un souper pour lui et ses amis. Cependant, à travers le plaisir qu’il témoignait de se retrouver près d’eux et chez lui après deux jours d’ennui et de fatigue, on voyait qu’une idée importune le préoccupait ; tantôt gracieux jusqu’à la galanterie avec sa femme, tantôt d’une sécheresse qui tenait du dépit, Ermance ne pouvait rien comprendre à deux manières d’être si différentes, ou plutôt elle tremblait de les expliquer.
Après avoir satisfait à la curiosité du président et de M. de Maizières sur la solennité du jour, M. de Lorency dit à Ermance :
— Vous aviez près de vous une bien jolie femme ; c’est une princesse polonaise, m’a-t-on dit ; elle porte sans doute un intérêt très-vif à l’un des écuyers de l’empereur, car elle n’a cessé de regarder de notre côté.
— Je le crois bien, répondit Auguste ; c’est toi qu’elle re-