— Voilà M. de Lorency, dit M. de F… à M. de Sh… de manière à être entendu d’Ermance ; voyez un peu si un homme de cette tournure-là n’est pas désespérant pour de pauvres adorateurs.
— Ah ! si les agréments étaient tout, vous avez bien raison, répondit Albert ; mais près des femmes qui tiennent à être aimées on peut encore se flatter de quelque préférence ; le malheur est que vos adorables Françaises sont plutôt importunées qu’attendries par un vrai sentiment.
— Que parlez-vous de vrais sentiments ? dit madame de R…, en prenant la place que venait de quitter la belle madame Visc… auprès d’Ermance ; racontez-vous une histoire merveilleuse ?
— À peu près, madame, dit le comte Albert ; car M. de F… n’a pas l’air d’y croire plus qu’à un conte de fées.
— Je ne demande pas s’il s’agit d’amour, reprit en souriant madame de Rem… ; c’est la seule chose sur laquelle personne ne s’accorde.
Alors il s’établit entre elle et le comte de Sh… une conversation à voix basse, dont chaque mot de ce dernier était une profession de cœur adressée à madame de Lorency. Madame de Rem… l’interpellait souvent pour donner son avis sur ce qu’elle appelait les rêveries allemandes du comte Albert ; mais Ermance, préoccupée de l’expression qui assombrissait le regard de son mari, répondait avec contrainte. Cependant elle appréciait mieux que personne l’esprit distingué, la gaieté douce et piquante de madame de Rem… ; au cercle de l’impératrice Joséphine, elle ne manquait pas une occasion de se rapprocher d’elle, et, plus d’une fois, le charme de sa conversation avait triomphé de la tristesse d’Ermance ; mais ce qui agit sur la douleur ne peut rien sur l’inquiétude ; madame de Lorency, se sentant incapable de prendre part à ce qui se disait, et jugeant que sa visite s’était assez prolongée, témoigna à madame Donavel le désir de s’en aller. Le général, et M. de Lorency, les voyant se lever, se disposèrent à les suivre. Quand leurs voitures furent avancées, le général proposa à M. de Lorency de monter dans celle où ces dames étaient venues, pré-