Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/194

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XXXI


Pendant les deux jours que madame de Lorency resta encore à Montvilliers, elle eut à souffrir d’une de ces scènes domestiques dont on ne parle jamais et qui composent peut-être à elles seules la plus forte part des ennuis de la vie. Mademoiselle Augustine, que son rang dans la maison rendait fort orgueilleuse, se prit tout à coup de jalousie pour la nourrice du petit Léon. Dans son humeur de voir prodiguer tant de soins et traiter avec tant d’égards une simple paysanne, elle se laissa aller à lui reprocher ce qu’elle appelait ses airs de maîtresse et les préférences qu’on lui accordait sur elle, avec tant d’amertume que la nourrice y répondit par des injures, et se mit à pleurer, argument irrésistible de toutes les nourrices pour se faire raison. Les choses en vinrent au point qu’elle déclara ne pouvoir plus rester dans la maison où elle était exposée à chaque instant au mauvais procédé d’une femme de chambre, et à des crises de colère qui faisaient tourner son lait. Dans cette cruelle alternative, madame de Lorency ne pouvait hésiter. Après avoir tenté tous les moyens de conciliation, l’intérêt de son enfant l’emporta, et, malgré le danger de se faire pour ennemie une personne que sa place auprès d’elle avait pu rendre, sinon confidente, au moins possesseur de son secret, madame de Lorency donna son congé à mademoiselle Augustine, qui eut le dépit de se voir remplacée par la femme de chambre qu’elle avait sous ses ordres.

Cet événement, si commun dans les maisons où règne une nourrice, devint une source d’inquiétude pour madame de Lorency, car elle ne pouvait se dissimuler qu’à travers ses flatteries et le zèle d’un service adroit et ponctuel, mademoiselle Augustine laissait percer, un fond d’envie médisante que la moindre mortification devait tourner en méchanceté. La générosité d’Ermance et cette indulgence prudente que toute femme coupable, a toujours pour les accès d’humeur du do-