Page:Nichault - Un mariage sous l empire.djvu/195

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mestique dont elle redoute l’indiscrétion, rendaient la place de mademoiselle Augustine très-douce et très-lucrative : aussi fut-elle désolée de la perdre, et, comme le désespoir est toujours actif chez les envieux, elle ne pensa plus qu’à chercher un moyen de se venger de la nourrice qui l’avait fait renvoyer, quitte à envelopper aussi sa maîtresse dans la même vengeance.

Ermance s’était vue forcée de confier à son oncle la scène que lui avait faite Adhémar à propos du comte Albert, et s’en était rapportée à sa prudence pour ne pas encourager les visites du fils de son ancienne amie, sans pourtant lui laisser soupçonner l’espèce de crainte qu’il inspirait. Le président approuva la détermination qu’elle prenait de se rapprocher d’Adhémar pour lui ôter toute inquiétude sur le séjour du comte Albert dans les environs de Montvilliers, et lui recommanda de nouveau, en la voyant partir pour Paris, de rester fidèle à son secret

En arrivant, elle eut le plaisir d’être reçue par son père ; il revenait d’Espagne avec le regret de n’avoir pu y terminer les affaires qui l’y avaient conduit ; mais dans ce malheureux pays, livré au désordre, à la guerre, il n’était pas possible d’y faire valoir les droits d’un créancier. M. Brenneval, fort lié avec un ministre en crédit, crut devoir lui faire part de ce qui l’avait frappé dans l’administration, et lui dévoiler les mesures vexatoires dont on affligeait les provinces qui nous étaient soumises au-delà des Pyrénées. Convaincu de la nécessité d’y mettre ordre, il lui soumit le projet qu’il avait de demander une audience pour instruire lui-même l’empereur de plusieurs faits importans qu’on lui laissait ignorer et qui augmentaient l’animosité des Espagnols contre les Français. Mais le ministre le détourna de ce dessein, en lui affirmant que l’empereur savait mieux que personne les inconvéniens, les malheurs attachés à cette guerre injuste, et que prétendre l’éclairer à ce sujet c’était lui déplaire sans le servir. Il est vrai qu’enivré d’amour, de plaisirs et de gloire, Napoléon ne pensait alors qu’à jouir d’une élévation qui dépassait ses rêves ambitieux.