recommandant à mademoiselle Rosalie de remettre la lettre à sa maîtresse dès qu’elle serait éveillée.
— On voyait qu’il avait bien du chagrin de quitter madame ajouta-t-elle, car il avait des larmes dans les yeux en me parlant, et lorsque la nourrice s’est approchée pour lui souhaiter un bon voyage et lui faire embrasser le petit, il est monté en voiture sans seulement s’apercevoir qu’elle était là.
— Déjà séparés de biens ! pensait Ermance, et sans doute bientôt…
Puis, n’osant achever sa pensée, elle s’interroge sur ce qu’elle doit faire de ce pouvoir qui la condamne à une si cruelle indépendance. Peut-être ne l’a-t-il laissé que pour des ventes à effectuer et dont il est convenu avec son père. Un pressentiment lui dit que non ; mais elle consultera M. Brenneval à ce sujet ; elle a besoin que cette démarche lui soit expliquée par des gens d’affaires, pour s’abuser sur sa véritable cause.
À peine habillée, elle fait tout préparer pour son retour à Montvilliers ; mais avant de quitter cette maison, qu’elle craint de ne plus lui voir habiter, elle veut entrer dans l’appartement d’Adhémar, elle veut revoir cette chambre où tout atteste encore sa présence. Un livre est ouvert sur sa table, c’est le volume d’Émile et Sophie ; cette histoire éloquente d’une trahison si cruellement et si noblement punie ! Une plume encore humide d’encre a peut-être servi à tracer quelques mots pour Ermance. Elle cherche si quelque lettre commencée n’est pas restée là, mais des papiers nouvellement brûlés ne lui en laissent pas l’espérance ; un portrait d’elle, fait par Gérard et placé en face du lit de M. de Lorency, est voilé par un rideau de soie noire. Est-ce un soin pris par lui pour préserver ce beau tableau de la poussière ? ou l’a-t-il fait voiler ainsi pour n’être plus importuné de son image ? Elle n’ose s’informer du moment où il a fait couvrir ce portrait : il y aurait tant d’humiliation à laisser pénétrer le doute qu’elle éprouve ! Enfin elle aperçoit, suspendue à la cheminée, la montre qu’elle lui a donnée en se mariant. Frappée de cet oubli volontaire, ses yeux se remplissent de larmes, elle dé-