— Il faut que vous connaissiez cette belle personne, dit Ermance, cette femme qui ne s’est approchée des tigres de la terreur que pour leur arracher un grand nombre de victimes. Vous serez frappée de sa beauté. Le son de sa voix, l’éclat de son teint, ses bras admirables, cette jolie main, qui a tant de fois apporté le brevet sauveur qui permettait la fuite, ou donnait un moyen d’existence, tout en elle semble prouver que le courage des bonnes actions est le plus sûr des moyens pour maintenir les grâces et la fraîcheur d’une belle personne.
Pendant qu’Ermance parlait, Natalie tenait une boîte de bombons, dans laquelle Léon puisait en les distribuant à ceux qui se trouvaient à sa portée. Quand vint le tour d’Adhémar :
— Merci, dit-il en repoussant assez durement le petit bras de Léon ; je n’en veux pas !
Et l’enfant, surpris de ce ton sévère, crut qu’on le grondait, et se mit à pleurer.
— Emmenez-le, dit aussitôt Ermance à le gouvernante qu’elle venait d’appeler.
Alors, M. de Lorency, se repentant de la dureté qu’il avait mise à refuser ce pauvre enfant, fit un mouvement pour le retenir ; puis, cédant à une réflexion secrète, il le laissa emporter par la bonne, dont les caresses ne parvenaient pas à calmer les larmes de Léon.
Ermance sentit les siennes prêtes à couler ; mais un sentiment amer ranimant son courage, elle s’empressa de parler de choses étrangères à sa pensée. Peu de moments après, M. de Montvilliers et Ferdinand survinrent, et la conversation devint moins pénible à soutenir. M. de Maizières n’était jamais plus sémillant qu’en présence de mademoiselle Ogherman. Sans comprendre son âme, il était séduit par l’attrait qu’un chagrin romanesque répandait sur toute sa personne. Il lui semblait impossible qu’avec un esprit aussi distingué elle ne rendit pas justice au sien, et son amour-propre espérait que tant de gaieté, de mots fins, de flatteries délicates, parviendraient à distraire Natalie du souvenir d’un ingrat. Il ignorait que ce genre d’agréments si recherché dans le monde est sans aucun charme pour les cœurs malheureux,