qu’elle l’écoute d’un air étonné, il s’éloigne sans qu’elle ait le temps de lui répondre.
— Il ne sait que me dire, pensa Ermance ; je ne suis pour lui qu’une petite pensionnaire ignorante de tous les usages, de tous les intérêts du grand monde ; il ne saurait y avoir aucune sympathie, aucune confiance entre nous. Mon cœur lui restera toujours inconnu, et, comme il m’accablera sans cesse de la supériorité de son rang et de son esprit, il me rendra complètement imbécile.
— À quoi rêvez-vous ainsi ? dit la duchesse d’Alvano en la voyant accablée sous le poids de ces réflexions pénibles, à la cérémonie de demain, sans doute ? Ah ! c’est un beau sujet de méditation ; mais, croyez-moi, le mieux est de ne pas s’y appesantir.
Puis, s’emparant du bras d’Ermance, elle ajouta :
— Venez voir la parure d’émeraudes que l’impératrice m’a chargée de joindre à votre corbeille ; je crois qu’elle sera de votre goût.
— L’impératrice, madame ! Ah ! que de bonté ! dit Ermance ? qui peut l’avoir fait penser à moi ?
— Mais, vous-même, reprit la duchesse. Rien de si simple ! elle a reçu autrefois un service de votre père ; elle sait que votre mariage est l’ouvrage de l’empereur, et elle ne veut pas y rester étrangère : c’est une première faveur qui vous en promet d’autres, si toutefois elle garde la… Ah ! ma chère, ajouta-t-elle en abandonnant sa phrase et en poursuivant sa pensée, l’ingratitude, l’ambition des hommes rendront toujours le bonheur des femmes impossible !
Ces derniers mots furent prononcés assez haut pour être entendus de M. de Lorency ; il tourna subitement la tête, et la vue de plusieurs personnes qui entouraient Ermance et la duchesse put seule l’empêcher d’y répondre ; mais il en témoigna son dépit par de vagues épigrammes, des généralités offensantes, que chacun interprétait à son gré. Madame d’Alvano voit sourire malignement quelques-uns de ses ennemis ; la rage qu’elle en éprouve lui rend toute sa présence d’esprit ;