Page:Nichault - Une aventure du chevalier de Grammont.djvu/11

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L’amour qu’il ne sent pas ; son esprit agréable
Par un jaloux soupçon n’étant point tourmenté,
Rien n’altère l’éclat de sa vive gaîté.
Calme dans ses transports, frivole avec sagesse,
Chez lui le sentiment est encor de l’adresse.
Langoureux près d’Emma, sémillant près d’Églé,
Sur leurs différents goûts son esprit est réglé ;
Il médit avec l’une, et soupire avec l’autre ;
Auprès de la dévote, il fait le bon apôtre,
Et la coquette en lui retrouve son portrait ;
C’est ainsi qu’adoptant le travers qui lui plaît,
À la femme qu’il trompe il fait perdre la tête,
Et ses défauts ont seuls l’honneur de la conquête.

LA MARQUISE.

Ah ! si vous confondez Delphine et son amour,
Avec l’essaim galant des femmes de la cour,
Je ne m’étonne plus qu’en sa juste colère
Elle rompe avec vous…

MERVILLE.

Elle rompe avec vous…C’est être trop sévère.

LA MARQUISE.

Vous le méritez bien ; mais malgré les efforts
Que vous faites tous deux pour aggraver vos torts,
Au malheur, aux regrets, dont le sort vous menace,
Je vois un grand obstacle…

MERVILLE.

Je vois un grand obstacleAh ! dites-le de grâce !

LA MARQUISE.

L’amour qu’on a pour vous…

MERVILLE, souriant.

L’amour qu’on a pour vousVous le croyez, vraiment ?

LA MARQUISE.

Faut-il vous rappeler ce fortuné moment,
Où l’on me conjura, d’une voix suppliante,
D’employer mon crédit sur monsieur de Sénante
Pour le déterminer à vous donner sa main ?