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Page:Nichault - Une aventure du chevalier de Grammont.djvu/24

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L’un arrive en six mois, l’autre arrive en un jour.
Qu’importe ? En voyageant près d’un objet aimable,
Le chemin le plus long est le plus agréable.

MATTA.

Avec ta poésie et tes charmans délais,
Je suis las de marcher sans arriver jamais.
Cet emploi séduisant, dont un fat se contente,
Et qu’on appelle ici cavaliéré servente,
Ne peut me convenir. Sans cesse aux petits soins,
Ce malheureux, contraint d’aimer devant témoins,
Et paré des couleurs de sa belle inhumaine,
Succombe sous le poids d’une assommante chaîne.
Par ma foi, s’il faut être ainsi pour parvenir,
J’abandonne à jamais l’espoir de réussir.

LE CHEVALIER, à part.

Tant mieux, je vais agir en toute conscience.

(Haut.)

Encor un jour ou deux, crois-moi, prends patience.
La fête de ce soir peut servir nos projets,
Et j’ai quelque raison d’espérer un succès.

MATTA.

À suivre cet avis je pourrais me contraindre,
Si j’étais moins troublé, mais j’ai tout lieu de craindre
Qu’on ne m’ait tant prié d’amuser le mari,
Que pour mieux s’occuper d’un nouveau favori.

LE CHEVALIER, à part.

Aurait-il découvert ?… (Haut.) Bon, quelle folle idée !
Quoi ! d’un jaloux soupçon ton âme est possédée ?

MATTA.

Ah ! ce manége-là ne me parait pas clair ;
Et le jeune Merville, entre nous, m’a tout l’air
D’être aimé plus que moi.

LE CHEVALIER, à part.

D’être aimé plus que moi.Je ris de sa méprise.