Page:Nichault - Une aventure du chevalier de Grammont.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LA MARQUISE.

Ici vous n’avez point à craindre un tel malheur.
Lorsqu’on donne à la cour une fête brillante,
Sans dédaigner le soin d’y paraître élégante,
Je n’y consacre pas les momens précieux,
Qu’auprès de ses amis on peut employer mieux.
Mais d’ailleurs aujourd’hui, soit raison ou caprice,
Du bal et des plaisirs je fais le sacrifice.

LE CHEVALIER.

Eh quoi ! prétendez-vous seule vous affranchir
De l’obligation d’animer, d’embellir
Une fête où le goût et la magnificence
Ravissent tous les yeux moins que votre présence ?
Ah ! ne nous traitez pas avec tant de rigueur !

MATTA.

Vous ne parlez ainsi que pour nous faire peur,
D’humeur et de dépit vous seriez accusée.

LA MARQUISE.

Non, pour de tels plaisirs je suis mal disposée.
Je me sens l’âme triste et l’esprit inquiet :
De ce vague chagrin, sans savoir le sujet,
Je tenterais en vain de vouloir me distraire ;
Car loin de s’en lasser, mon cœur semble au contraire
Y trouver quelque charme.

LE CHEVALIER, à part.

Y trouver quelque charme.Ah ! quel aveu charmant

MATTA, à part.

Serait-ce moi ?

LA MARQUISE.

Serait-ce moi ?D’ailleurs, à parler franchement,
Ces grands bals m’ont paru de tout temps insipides.
Qu’y va-t-on recueillir ? des compliments perfides,
Les soupirs affectés d’un sot avantageux,
Ou bien, d’un grand seigneur l’hommage dédaigneux.
Là, de l’unique objet dont notre âme est émue,