Page:Nichault - Une aventure du chevalier de Grammont.djvu/28

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Là, tel qui n’oserait déclarer son ardeur,
Permet à ses regards de dévoiler son cœur.
À l’aspect d’un rival, si son âme saisie,
Par un trouble indiscret montre sa jalousie ;
Quelquefois du chagrin qu’il veut dissimuler,
Même avant qu’il se plaigne on vient le consoler ;
Un mot dit en passant, d’un ton d’indifférence,
En rassurant son cœur, le livre à l’espérance.
Parmi tant d’intérêts voir deviner le sien,
C’est être déjà sûr qu’on l’accueillera bien.
Aussi d’un pas léger il vole sur les traces
De celle dont partout on admire les grâces ;
L’éloge qu’on en fait sans cesse répété
Déjà de son amour flatte la vanité ;
Et s’il l’entend citer comme la plus jolie,
Il prend sans le vouloir un air de modestie.
On discute avec feu ? profitez du moment
Où chacun parle haut d’amour, de sentiment,
Pour demander tout bas ce que du vôtre on pense.
Si tremblante on répond à cette confidence,
Ah ! quel trouble divin ! quel espoir enchanteur !
Et qu’il faut de vertu pour cacher son bonheur !
Le jaloux qui vous voit, en vain se désespère,
Vous pouvez sans danger rire de sa colère.
Ailleurs les importuns sont l’effroi du plaisir,
Là leur babil joyeux étouffe un doux soupir,
Et les tendres aveux d’un charmant tête-à-tête
Se trouvent protégés par le bruit de la fête.

MATTA.

Mais ce qui me ferait pencher vers cet avis,
C’est que ces fêtes-là déplaisent aux maris,
Et qu’en fait de danger ces messieurs s’y connaissent.

LA MARQUISE.

C’est fort souvent à tort que leurs soupçons y naissent.
Mais laissons ce sujet et parlons sans détour :