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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/122

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XXV


Pendant que mon maître suivait son cours d’amusement, j’en faisais un des spectacles curieux qui étaient à ma portée ; et je puis bien mettre de ce nombre la séance du conseil des cinq-cents, où me conduisit un certain journaliste, que j’avais connu autrefois dans les bureaux du ministère. C’était un homme passionné pour les affaires publiques ; il ne concevait pas qu’on pût s’occuper d’autre chose ; et c’était pour être toujours au courant des nouvelles politiques qu’il s’était fait un des collaborateurs du journal officiel. Il savait à point nommé les jours où se discuteraient les plus importantes comme les moindres questions d’État. Il connaissait d’avance le résultat de la délibération, et ne se trompait pas d’une injure sur toutes celles que, dans la chaleur du discours, tel orateur devait adresser à tel autre. On acquiert rarement tant de science sans aimer à en faire parade ; aussi M. Silvestre (c’était le nom du politique) s’empressa-t-il de venir au secours de mon ignorance, en me faisant une notice historique sur les principaux députés de cette grande assemblée ; elle était présidée ce jour-là par un homme dont j’avais souvent entendu parler aux amis de madame de Révanne, comme d’un bienfaiteur ; c’était à son éloquence (bien courageuse alors) que les enfants des condamnés avaient dû le triomphe de leur cause ; et c’était en présence même des assassins de leurs pères. C’est à la Convention que cet orateur avait osé dire :

« La confiscation des biens des condamnés est injuste. Eh quoi ! ce jeune homme qui déjà combattait sur vos frontières ; celui-ci qui se disposait à aller combattre ; tous ces êtres infortunés qui ne connaissent aujourd’hui de plus grande calamité que la perte des auteurs de leurs jours, mais qui bientôt éprouveront des douleurs plus actives, parce qu’elles se renouvelleront sans cesse, pourront vous dire : Quels sont donc les forfaits que nous avons commis pour être ainsi réduits à l’extrémité du malheur ? Avons-nous partagé ceux de nos pères ? Nous étions si jeunes encore !… Rendez-nous nos guides,